Georges SCHEHADE

Les poésies

Poésies I
(1938)

X

Visage et les doigts en forme de pleurs
Il n'y a rien de commun entre moi et vos gerbes
Ou cette mélodie qui a la couleur
Des naissances
- Alors je descends une rue de rosiers
Et je sens monter en moi un grand chagrin
Comme le sel de la mer

 

Ô bien-aimée pleine de pleurs
De plaine en plaine en perdant la vue
Nous nous vivrons dans nos mémoires
Vos mains sont sèches comme les rosiers
Les abeilles sourient à votre calvaire
Ah dans les églises vous revoir
La poitrine rouge comme une pierre
Plus douce quele miel en Jésus
Dont le crachat est un grand brouillard

 

Parce que nous sommes sans nouvelles de l'étoile
Les anges nous frappent avec de grands fers
Allumez-vous vivante sur les rivières
Quand l'éclair pousse les fleurs à la mort
Et laissez-moi vore rosée et votre cendre
- Ô bénie comme les flammes

XI

Cette femme qui rêve dans ses habits
Je ne la verrai plus dans les chants
Que la mort la repose
                                                       j'épouserai ses mains

- Ce souvenir de Galilée ets très petit
Il y avait de l'eau et moi tout seul

 

Comme l'oiseau qui vole dans l'église de marbre
A cause de ta mémoire on t'appela Morte

Je t'ai dit de ne faire nulle peine aux feuilles

 

Le vent principal songe des amants
Ni l'enfant de tes paupières
Jeune fille aussi haute que les arbres

A cause d'une peine sans figure
Le vin la tristesse et le soir

 

Poésies V
(1972)

XVII

Ni l'espérance ni la fortune
Mais dans la petite fleur desséchée dans un livre
Dont il reste seulement la cendre d'amour

- Comment mourir
Quand on peut encore rêver

 

Poésies VI
Le nageur d'un seul amour (1985)

III

A Jean-Claude Morin

Sous le soleil violet du temps passé
Dans le voyage des feuilles mortes
Il était une fois un jardin sans fleurs
Personne n'y venait
Ni l'écho ni les âmes
A part quelques chasseurs fatigués par leur âge
Qui traversaient par là

IV

Comme un enfant d'autrefois dont le cri se perd
Dans un verger de pommes blanches
Quand la lune couvre tout de son amour
Je revois dans un miroir désert
Mes souvenirs avec des cannes blanches
Et je ne sais pas qui d'eux ou bien de moi
Est le plus à plaindre
Tellement les années sont cruelles

Lune légère ô miroir d'absence

VI

Son corps avait la douceur de l'eau dans les mains
Un collier bleu marquait sa faiblesse
Pour elle la rosée écrit son poème
Et le matin a tous les regards
Montagnes lointaines où sont les gens d'autrefois
La pluie qui appelle
- Cette femme n'est pas un songe
Elle doit être morte maintenant
L'image accompagne le vent pour elle

XII

Sur cette plage abandonnée
Elle ne venait que pour s'en aller
Comme les vagues de la mer
Aujourd'hui le temps qui passe ajoute à sa beauté
L'ombre et le souvenir
- Que disait-elle tout bas
Quand elle mêlait les mots avec ses mains

Pauvre que j'étais
J'allais ainsi dans mes pensées
A la rencontre d'une absence
Tandis qu'à l'horizon soulevés par la brume
De grands arbres à mi-voix parlaient aux saisons

XIII

Stèle pour Nadia T...

Elle a quitté la main de ses amis
Pour un jardin tout bleu fermé
Où l'oiseau s'envole avec son nid

Yeux noirs cheveux noirs
Et maintenant toutes les beautés de l'ombre
Sur ses épaules

XVI

Elle était plus vieille que le temps
Avec des mains de grande transparence
Et dans les yeux la tristesse du printemps

On l'a couchée sous le sable
Il y avait un peu de vent dans les arbres
Il n'y avait plus rien

Reste le souvenir de sa voix
Depuis qu'elle est dans ce pays lointain
Où toutes les femmes se ressemblent

 

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Maj 13/02/2005