Gérard PFISTER
Le tout
proche ( Ed. Letres Vives - 2002 )
Si
vivre n'est
Que cela :
Ce
rien
À chaque instant renouvelé
Ce
désir
Ce vide
De
quoi avons-nous peur
De qui
Avons-nous
regret
Puisque tout
Nous a été donné
*
Tu
vois
Et tout est là
Tu
vois
Et il ne manque
Que
toi
Et tout rayonne
De ton absence
*
Ton
absence est plus belle
Que le jour le plus beau
Car
alors
Pas un mot
Pas
un regard
Rien n'entrave
*
Ton
absence est une nuit plus belle
Que le plus grand bonheur
Car
alors
Tout brille
Le
ciel
Ne sait plus rien de toi
*
Les cerisiers en fleurs
La
fumée
Qui monte des jardins
Si
vivre
N'est que cela :
La
brume sur les coteaux
Ce matin qui s'allonge
*
Les
arbres en fleurs
Dévalent les pentes
Le
soleil fait briller
L'herbe
Couverte
de rosée
Grande
Est la justice du vivant
*
Je viens
Dit la beauté
Je viens à toi
Rayonnante
Cachée
Je
viens à toi
Et mon désastre est sans pareil
*
Je viens
Dit la beauté
Je viens à toi
Ebloui, égaré
Mon désir
Est
ma perte
Ta beauté
Mon
offrande
Je viens à toi
Et rien ne manque
On pleure les morts
Mais
c'est nous-mêmes
Que nous pleurons :
De
n'avoir pas vécu
Et à présent
Même
en ce jour
En ce premier éveil
De ne comprendre pas
*
On pleure les morts
Mais
ils vivent
Enfin
Et
c'est nous
Qui sommes morts
Et nous ne le savons pas
*
On pleure les morts
Mais
c'est sur nous
Que nous pleurons
Sur
nous si morts
Que nous ne le savons
Ne le voyons pas
*
On pleure les morts
Mais
ils sont
Là
Et
c'est nous
Qui manquons
La
pierre
De l'oubli
Refermée sur nos vies
*
On pleure les morts
Mais
ils sont là
Et eux ne pleurent pas
Grande
est l'espérance
Des morts
Car
déjà
Ils nous voient
Comme nous serons un jour
*
On pleure les morts
Mais
ce sont nous
Les absents
Bien
plus absents :
Aux choses, au ciel
À nous-mêmes tellement
La
pierre de l'oubli
Refermée sur nos vies
*
On pleure les morts
Mais
ils nous voient
Et eux ne pleurent pas
Que voit-on dans l'éveil
Que
le seul jour
Le seul instant
Que l'unique splendeur
*
On pleure les morts
Mais
ce sont nous
Les absents
Et
c'est sur nous
Que nous pleurons
Nous
les errants
Nous sans espérance
Nous
Qui n'avons pas vécu
Nous
Qui ne vivons pas
*
Nous
Qui ne savons pas même
Ce
qu'est
De vivre :
Que pleurons-nous ?
*
On pleure les morts
Mais
les vivants
Sont dans les tombes
Et nous ne le voyons pas
*
La
pierre del'oubli
Refermée sur nos vies
Que
disons-nous
Et nous sommes sans parole
Que
savons-nous
Nous sans lumière
Qu'un
lointain
Qu'un unique souvenir
Le
jardin est immobile
Ou presque
Dans
l'ailleurs
Eclairé d'une lumière très douce
Comme
voilé
Masqué d'un léger halo
*
Eclairé
d'une lumière très douce
À peine effleurant
Les
feuilles
La terre
Immensément profonde
Comme
la lumière
De la conscience même
*
Le
jardin est immobile
Couleur de givre
L'herbe
du pré
Dévale la pente
Jusqu'aux
cerisiers
Et c'est un autre espace
Dans
l'ailleurs
Mais ce n'est pas l'absence
Un
autre espace
Mais ce n'est pas l'exil
*
Le
jardin est plus ouvert
Plus présent que jamais
Tu
n'entends pas d'oiseaux
Pas de clarines
Le
jardin est silencieux
Comme la nuit
Ton
souffle seul
Et le goût du sel dans ta bouche
*
Tout
est là
Tu vois
L'étang,
les rochers
Les grands pins
Penchés au dessus du vide
Tu
vas sur les sentiers
Et n'entends pas tes pas
*
Tout
est là
Dans l'ailleurs
Plus
ouvert
Plus vivant que jamais
Ce
n'est pas l'absence
Ce n'est pas la nuit
Tu vois
*
Couleur
de givre
Comme couvert d'une fine rosée
D'une
infime poussière
Le jardin est immobile
Dans
l'ailleurs
Dans l'hier
Tes
morts sont silencieux
Tu vois
Ce
n'est pas l'absence
Ce n'est pas la nuit
*
Tout
vit
Tout repose
Tu
n'entends pas tes pas
dans l'instant
Rien
que cette lumière
Venue on ne sait d'où
Ce
large espace
Qu'habite la vision
Nous
sommes déjà morts
Déjà vivants
De
quelle existence
parlez-vous
De quelle histoire
*
Il
n'y a qu'un instant
Un seul
Et
en son sein
Nous voici
Morts,
nous voici
Vivants
De
quelle histoire
parlez-vous
De quelle attente
*
Tout
se passe
Dans l'instant
Dans
la vie
Profonde de l'instant
L'incessant
mouvement
Du seul mourant
Du seul vivant
*
Il
n'y a
Qu'un instant
Un
seul
Sens-tu
Son
abîme, son regard
Tes yeux
Mourants
Tes yeux vivants
Ne sont que sa vision
*
Nous
somes déjà morts
Déjà vivants
De
quelle attente
parlez-vous
De quel espoir ?
*
Tout
est déjà là
Rien ne manque
Dans
l'instant
Tout est accompli
Et nul ne voit
*
Nul ne voit
Dans
l'instant
Que l'unique
Nul ne voit
Que
le seul
Mourant, le seul
Vivant
*
Nous
sommes déjà morts
Déjà vivants
De
quel espoir
Parlez-vous
De quel désir ?
L'autre
est déjà là
Dans les yeux du désir
Dans le ciel de l'instant
L'autre
nous parle
Nous voit
Et nous ne savons pas
*
Nous
sommes déjà morts
Déjà vivants
De
quel désir
Parlez-vous
De quelle lumière ?
Tout
se passe
Dans l'instant
Dans
le ciel
Profond de nos coeurs
Depuis toujours
Depuis
le seul
Le premier jour :
Déjà
Morts
Déjà vivants
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Maj 04/08/2004