Jean Pérol

Asile exil

Que demeure la mort

Il est des villes sans doute qui flambent dans leurs portes
leur laitance lumineuse flotte au ciel de leur nuit
accaparés les vivants suivent les traces de leur vie
les invisible flots de leurs pas

ici le noir-noir le silence des champs
appuie sur tes épaules sa peau d'immense ventre
le sang le coeur la nuit les barreaux de l'écart
la planète abolie dans l'espace du vent

écrasent lentement tes doigts plutôt preneurs
et t'entraînent au solo que demeure la mort

De ceux qui les oublient

La mort a des façons de taper des cymbales
dans la ouate bien noire d'une nuit sous le crâne
plus silencieuse qu'en vos banlieux crispées de peur

la mort sait dire c'est moi sous la chaleur des draps
sucer d'une douceur étrange la plaie dure
l'enfoui dans le flou des phrases avortées

la mort lamort son bruit cognant
de canne aveugle qui s'avance dans la brume des vieux
films trop noir et blanc des rêves qui s'épuisent

et vous serez charmante la bouche gonflée rouge
vous sourirez le soleil tracera cette ligne
qui sépare vos épaules et vos cheveux de l'ombre

oùles fleurs sont les yeux de ceux qui les oublient

Ceux qui l'ont trahie

Parti où vont les loups
le vent cherchait sa plaine
où gisent les cadavres aux doigts raidis de nuit

la mort bien entendu a tort dans ses principes
mais doit guider les pas de ceux qui la renient

la mort bien entendu jalouse encore de nos cippes
mais doit pousser les pas de ceux qui l'ont trahie

Le rideau

J'aime la mort et son parfum de couturier
son pas de mannequin au-desus de nos yeux fascinés
et les voiles ça volte et ça flotte et dénude des seins maigres
nous oublierons nous quitterons
nous entrerons dans le grand rêve et les tempos du grand factice

le très coupant de l'oeil hautain du pas tranchant
avez-vous vu dormir les morts
débarrassés du superflu alourdissant de tous les jours
comme ils sont chics
comme ils sont hauts sur leur chemin des fleurs
c'est encore nous ce n'est plus nous
c'est tout ailleurs où tout est faux
et vraiment noir et grande faux
alors nous quitterons l'imparfait nous entrerons dans l'extrême

nous serons enfin comme une fête au loin
dans la lumière qui dessine nous serons beaux
et joie - et liberté - sur nos pas énigmatiques
retombera le rideau

Dans le murmure de sa mort

trop muet et trop de mouches
le silence trop gluant
colle sa langue sur nos rêves
nulle foule pour le don
du passant à ce qui passe

trop de feuilles trop de pluie
trop de brume trop de chutes
tro de grouillant sous chaque pierre
trop d'immuable qui étouffe
trop d'absence trop de vent
trop de vide qui épie

trop de griffes trop de becs
trop de pinces trop de crocs
de mâchoires de suçoirs
contre un maître qui s'épuise

trop de vie contre un peu d'âme
trop de haine pour ce qui brûle
sur la crête des maudits

trop qui bourgeonne qui s'élance
trop qui germe qui s'accroît
trop qui fatigue de sa force
imépuisable d'infini
cette faiblesse qui la nie
dans le murmure de sa mort

La peau fermée

Sous notre peau, l'écorchement des ronces, le passage aux barbelés. A faire et à refaire, la peau toujours griffée. Du sang aux pointes, du sang aux pointes ! La souffrance est un pain chaud où chacun viendra couper.D'ailleurs, pourquoi vouloir passer, pourquoi vouloir partir ? La banalité n'est pas encore levée. A part ça, le soleil s'appliquait à faire croire au bonheur. Vous savez, ces histoires de rivières, de vagues, de perles d'eau, ces rires fades en cascades, ces hameçons pour les voyages ! Rien n'est encore démonté, ni vraiment démontré, mais le principe aux dents de rat bouffe l'espoir aussi loin qu'il peut traîner. La vie, c'est le tuer. La plante un peu plus haute prend le soleil à la plus basse. On entend cette musique essentielle qu'elle vous souffle : lentement je passerai sur les matins qui te réchauffent, oh oui, j'étoufferai. Tout s'égorge, se repousse, se perfore et se dévore. Du vivre pose toujours sa force sur du vivre, la vie mange la vie, les rires humains sont des couteaux, les liens du coeur des cordes blanches pour étrangler où la faiblesse naïve bat. Les fatigués plient du genou, les élimés limeurs savamment s'éliminent, et les amours recomptent leurs cadavres. Le centre sombre de la cible est un rond noir qui se pourrit. Vivre, sa lépreuse cruauté, sa sans pitié qui fait pitié, rien d'autre donc n'eût pu être inventé ? Rien. Rien d'autre que le tuer, la voracité, les yeux froids à contempler. Et le dégoût , pour lacérer, à l'intérieur, la peau fermée.

Allons voir chez les morts




cieux


 :
« Pourquoi suis-je venu ? » sœur... Dans mon cœur... œuvre... œil

 

Retour Danielle            Retour textes            Retour Memoire            Retour Sommaire

Maj 19/06/2005