Henri MICHAUX:

La nuit remue (Ed. Gallimard - 1967)

 

Chaque jour est plus exsangue

Le Malheur siffla ses petits et me désigna.
« C'est lui, leur dit-il, ne le lâchez plus. »
Et ils ne me lâchèrent plus.

Le Malheur siffla ses petits.
« C'est lui, leur dit-il, ne le lâchez plus. »
Et ils ne m'ont plus lâché.

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Emportez-moi

En vérité, quand je dis :
« Grand et fort.
« Ainsi va le mort.
« Quel est le vivant,
« Qui en ferait autant ? »
Le mort, c'est moi.
En vérité, quand je dis :
« Ne mettez pas les parents dans votre jeu,
« Il n'y a pas de place pour eux,
« Et la femme qui a enfanté a été jusqu'au bout de ses forces,
« Il ne faut pas lui en demander plus,
« Et ne faites pas tant d'histoires,
« Le malheur c'est tout à fait naturel »,
En vérité, la femme ce n'est pas moi.
C'est moi le bon chemin qui ne fait rebrousser personne.
C'est moi le bon poignard qui fait deux partout où il passe.
C'est moi qui...
Ce sont les autres qui ne pas...

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Petit

Quand vous me verrez,
Allez,
ce n'est pas moi.

Dans les grains de sable,
Dans les grains des grains,
Dans la farine invisible de l'air,
Dans un grand vide qui se nourrit comme du sang
C'est là que je vis.

Oh ! Je n'ai pas à me vanter : Petit ! petit !
Et si l'on me tenait,
On ferait de moi ce qu'on voudrait.

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Maj 05/05/2004