Daniel Boulanger

Hôtel de l'image

Retouche au bilan

heures sans nombre et perdues
vos couronnes coiffent mon armée d'ilotes
tanguant dans les soirs de défaite
avant l'oubli qui se refuse
et mêle sa main froide à celle de la nuit

l'ombre a le mufle des fièvres
le roi n'est plus
je reste son cheval et son fou

Retouche au chagrin

le mufle navré du ciel
pousse le paysage
et laisse au détour des ruines
la mémoire et ses nids dans le mur de l'amour

Retouche au courrier

ô lettres sous les portes
rappels de draps, de rires et de sang

à vos rendez-vous
la mort à belles dents
dans l'ombre joue la morte

Retouche à la démission

entre le mauve qui s'agenouille
et le noir assis
dans le filet sans couleur du ciel
le poisson d elumière vit un dernier soubresaut

Retouche au désemparé

le monde à la fenêtre d'herbe
tombe et s'ouvre

d'où vient ce fruit
de quel voyage
et ces marques de dents ?

d'un ciel de lit
d'une lutte bouffonne

Retouche à l'ennui

théâtre vide
une forme sans nom
passe entre les portants
et mêle aux voix d'un texte
où des couleurs s'en vont
sous prétexte de sang
sa main livide

Retouche au mélancolique

l'âme en jeu d'oie
errant de case en case
il désire prison
dont nul dé ne délivre

Retouche à la mémoire

falaise d'où tombe un quartier de roc
la route d el'aventure est coupée

2ème retouche à la mémoire

souvenir ô phénix
ton ange frais s'élève du silence en feu
les yeux voilé"s d'un vent baroque

Retouche à la mort

dans la volière de ma tête
elle se croit libre et puissante
avec ses longues spirales d'aigle
mais pour son unique fête
elle ne fondra que sur mon double de sable

Retouche au regret

dans le jardin du souvenir
peuplé de statues sans prunelles
à tout désir devenu pierre
l'amour se brise l'aile

Retouche à la rémission

près du soir en cendre
où saute l'étincelle d'un oiseau
le caillou retient sa vie

les meubles du vent se démontent
les grands chagrins ne sont que bruit d'enseigne

Retouche au remords

dans la Venise intime
où tant de corps arqués
relient d'autant de ponts
les quartiers de mon coeur
passe une ombre à cheveux blancs
sa tunique
serrée d'une contenance d'or

Retouche au suicide

d'un arbre sans feuilles
le cri s'éteint
dans le vitrail de la forêt

Retouche au veuvage

guetté par l'étoile en araignée dans le coin de la fenêtre
un nom s'efface au revers d'une lettre

des doigts marquent toujours le bord de la table
où la pendule moud le souvenir jusqu'à la poussière

au noir de la nuit derrière le mur
le monde craque dans la gueule d'un chien

 

Drageoir

Retouche au déménagement

chaque mort me vole
et laisse au mur une marque pâle

mais la nuit soucieuse
repasse à l'encre
mon nom qui s edéfait

Retouche au désespéré

ses lignes fuient

reste une mare sans couleurs

Retouche aux larmes

Ô au clou de la volonté
l'âme est de guingois

le temps se décolore
où passent des musiques

Retouche au lointain

bonheur, enfant du souvenir

une voix se fait surprendre
qui parlait pour elle-même

près du soleil accroupi

Retouche à la mémoire

des riens impérissables
sèment de blancs cailloux

l'ombre énorme
bat comme un coeur

Retouche à la mort

le soir travesti
attend au pied de l'arbre
sa vieille connaissance
suceuse de questions

Retouche à l'oubli

visages au bout des piques

dans le tournoi des souvenirs
la neige avec ses yeux d'aveugle

Retouche au regret

coeur noir immobile
au milieu de notes suraigües

le miroir bat de l'aile

Retouche au remords

au noir du mal
une porte s'ouvre

mon ombre m'appelle à voix d'enfance
heureuse de m'avoir connu

Retouche à la résignation

mon coeur ne fait plus de bruit

pas plus que sous la porte
blanche et ses mots de nuit
la lettre du premier amour

Retouche au souvenir

l'amour est au musée
moitié prix le dimanche

sur un emarche usée
mon ombre fait la manche

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Maj 14/11/2004