Et
le soir vient et les lys meurent
Regarde ma douleur beau ciel qui me l'envoies
Une nuit de mélancolie
Enfant souris ô sur écoute
Pauvres marchez sur la grand-route
O menteuse forêt qui surgis à ma voix
Les flammes qui brûlent les âmes
Sur le Boulevard de Grenelle
Les ouvriers et les patrons
Arbres de mai cette dentelle
Ne fais donc pas le fanfaron
Allons plus vite nom de Dieu
Allons plus vite
Tous les poteaux télégraphiques
Viennet là-bas le long du quai
Sur son sein notre République
A mis ce bouquet de muguet
Qui poussait le long du quai
Allons plus vite nom de Dieu
Allons plus vite
La bouche en cur Pauline honteuse
Les ouvriers et les patrons
OUi-dà oui-dà belle endormeuse
Allons plus vite nom de Dieu
Allons plus vite
Jeune
homme
De vingt ans
Qui as vu des choses si affreuses
Que penses-tu des hommes de ton enfance
Tu connais la bravoure et la ruse
Tu as vu la mort en face plus de cent fois tu ne sais pas ce que
c'est que la vie
Transmets ton intrépidité
A ceux qui viendont
Après toi
Jeune homme
Tu es joyeux ta mémoire est ensanglantée
Ton âme est rouge aussi
De joie
Tu as absorbé la vie de ceux qui sont morts près de toi
Tu as de la décision
Il est 17 heures et tu saurais
Mourir
Sinon mieux que tes aînés
Du moins plus pieusement
Car tu connais mieux la mort que la vie
O douceur d'autrefois
Lenteur immémoriale
Nous
vînmes au jardin fleuri pour la cueillette.
Belle, sais-tu combien de fleurs, de roses-thé,
Roses pâles d'amour qui couronnent ta tête,
S'effeuillent chaque été ?
Leurs tiges vont plier au grand vent qui s'élève.
Des pétales de rose ont chu dans le chemin
O Belle, cueille-les, puisque nos fleurs de rêve
Se faneront demain !
Mets-les dans une coupe et toutes portes closes,
Alanguis et cruels, songeant aux jours défunts,
Nous verrons l'agonie amoureuse des roses
Aux râles des parfums.
Le grand jardin est défleuri, mon égoïste,
Les papillons de jour vers d'autres fleurs ont fui,
Et seuls dorénavant viendront au jardin triste
Les papillons de nuit.
Et les fleurs vont mourir dans la chambre profane.
Nos roses tour à tour effeuillent leur douleur.
Belle, sanglote un peu... Chaquez fleur qui se fane,
C'est un amour qui meurt !
Un
homme a traversé le désert sans rien boire
Et parvient une nuit sur les bords de la mer
Il a plus soif encore à voir le flot amer
Cet homme est mon désir, la mer est ta victoire.
Tout habillé de bleu quand il a l'âme noire
Au pied d'une potence un beau masque prend l'air
Comme si de l'amour- ce pendu jaune et vert -
Je voulais que brûlât l'horrible main de gloire
Le pendu, le beau masque et cet homme altéré
Descendent dans l'enfer que je creuse moi-même
Et l'enfer c'est toujours: « Je
voudrais qu'elle m'aime. »
Et n'aurais-je jamais une chose à mon gré
Sinon l'amour, du moins une mort aussi belle.
Dis-moi, le savais-tu que mon âme est mortelle
Notre
amour est réglé par les calmes étoiles
Or nous savons qu'en nous beaucoup d'hommes respirent
Qui vinrent de très loin et sont un sous nos fronts
C'est la chanson des rêveurs
Qui s'étaient arrachés le cur
Et le portaient dans la main droite
Souviens-t'en cher orgueil de tous ces souvenirs
Des marins qui chantaient comme des conquérants
Des gouffres de Thulé des tendres cieux d'Ophir
Des malades maudits de ceux qui fuient leur ombre
Et du retour joyeux des heureux émigrants
De ce cur il coulait du sang
Et le rêveur allait pensant
A sa blessure délicate
Tu ne briseras pas la chaîne de ces causes
Et douloureuse et nous disait
Qui sont les effets d'autres causes
Mon pauvre cur mon cur brisé
Pareil au cur de tous les hommes
Voici voici nos mains que la vie fit esclaves
Est mort d'amour ou c'est tout comme
Est mort d'amour et le voici
Ainsi vont toutes choses
Arrachez donc le vôtre aussi
Et rien ne sera libre jusqu'à la fin des temps
Laissons tout aux morts
Et cachons nos sanglots
J'entends
parfois une voix quiète d'absente
Dire de petits mots
Qui font que j'aimerai chaque douleur présente
Et tout l'espoir des prochains maux
Mots finissant en el comme le nom des anges
O puérilités
Le ciel que l'on médite et le miel que l'on mange
Fraîcheur du miel ô ciel d'été
Pour
te guider ô toi que j'aime
Vois la veilleuse est allumée
Sont clos mes yeux tout pleins de gemmes
Ouvre tes yeux puisque tu m'aimes
Ouvre pour moi tes yeux fermés
Mets de l'huile dans la veilleuse
J'ai perdu la clef de mes yeux
Mes yeux aux pierres précieuses
Cherche la clef prends la veilleuse
J'emporte la veilleuse adieu
Oh je ne veux pas que tu sortes
L'automne est plein de mains coupées
Non non ce sont des feuilles mortes
Ce sont les mains de ceux qui sortent
Adieu je pars sommeille en paix
J'ai cherché longtemps sur les routes
Passant n'as-tu pas vu la clef
Rentre au logis la belle Ecoute
Tant d'yeux sont clos au bord des routes
Le vent fait pleurer les saulaies
J'ai cherché longtemps par les villes
Où est la clef des yeux fermés
Des clefs j'en ai vu mille et mille
Reste avec moi dans notre ville
Tu ne la trouveras jamais
J'ai cueilli ce brin de bruyère
Mets-le sur ton cur pour longtemps
Il me faut la clef des paupières
J'ai mis sur mon cur les bruyères
Et souviens-toi que je t'attends
Je m'achemine vers la ville
Où rêve celui qui m'attend
Je viens à lui Mais m'attend-il
Voici les portes de la ville
Où j'ai laissé mon cur d'antan
Ouvre si tu m'attends encore
C'est moi c'est moi ta bien-aimée
Ton amoureux hier est mort
Par pitié m'attend-il encore
Hélas j'ai vu ses yeux fermés
Toc toc il a fermé sa porte
Et ses yeux pleins de pierreries
Quel est donc ce mort qu'on emporte
Tu viens de toquer à sa porte
Et je suis veuve aux pieds meurtris
J'ai jeté la clef dans le lac
Soient toujours clos les yeux fermés
Je suis veuve le jour de Pâques
Des amants vont au bord du lac
Où je ne reviendrai jamais
La clef des yeux dans l'eau se rouille
Je la rapporterai demain
Mais les yeux que la mort verrouille
La Mort L'Amour La clef se rouille
La nuit descend dans les chemins
Au bord du lac sont les sandales
Et la veilleuse consumée
Sur la robe ont chu des pétales
Deux anneaux d'or près des sandales
Au soleil se sont allumés
Passèrent deux cueilleurs de roses
Vois-tu pas deux anneaux briller
Je vois des fleurs fraîches écloses
Je vois tes yeux je vois nos roses
Je vois deux anneaux d'or à tes pieds
Quand
trembleront d'effroi les puissants les ricombres
Quand en signe de peur ils dresseront leurs mains
Calmes devant le feu les maisons qui s'effondrent
Les cadavres tout nus couchés par les chemins
Nous irons contempler le sourire des morts
Nous marcherons très lentement les yeux ravis
Foulant aux pieds sous les gibets les mandragores
Sans songer aux blessés sans regretter les vies
Il y aura du sang et sur les rouges mares
Penchés nous mirerons nos faces calmement
Et nous regarderons aux tragiques miroirs
La chute des maisons et la mort des amants
Or nous aurons bien soin de garder nos mains pures
Et nous admirerons la nuit comme Néron
L'incendie des cités l'écroulement des murs
Et comme lui indolemment nous chanterons
Nous chanterons le feu la noblesse des forges
La force des grands gars les gestes des larrons
Et la mort des héros et la gloire des torches
Qui font une auréole autour de chaque front
La beauté des printemps et les amours fécondes
La douleur des yeux bleus que le sang assouvit
Et l'aube qui va poindre et la fraîcheur des ondes
Le bonheur des enfants et l'éternelle vie
Mais nous ne dirons plus ni le mythe des veuves
Ni l'honneur d'obéir ni le son du canon
Ni le passé car les clartés de l'aube neuve
Ne feront plus vibrer la statue de Memnom
Après le soleil pourriront les cadavres
Et les hommes mourront nombreux en liberté
Le soleil et les morts aux terres qu'on emblave
Donnent la beauté blonde et la fécondité
Puis quand la peste aura purifié la terre
Vivront en doux amour les bienheureux humains
Paisibles et très purs car les lacs et les mers
Suffiront bien à effacer le sang des mains
Passant
tu chercheras dans l'ombre cimmérienne
Mon fantôme pareil à la
réalité
Mais le passeur aura voué mon corps aux chiennes
Mon
spectre juste aux gueules du tricapité
Et me tenant au bord du fleuve sur qui volent
Les obscures migrations des oiseaux blancs
Je me lamenterai faute de ton obole
Au passage des riches comme moi tremblants
Sois-tu maudit Rien n'est tombé dans ma sébile
Va-t'en vers le spectacle où des acteurs feront
Gémir les femmes gâce aux grimaces flébiles
Je n'ai que ma douleur pour émouvoir Caron
Et vivant je mendie de chaque aube à la brune
Et je cesse ma plainte quand le jour s'éteint
Je reviendrai demain avec mon infortune
Voir flamber l'aurore l'Electre du matin
Tu méprises ma peine et la tienne
peut-être
Ta douleur de toujours mon malheur de jamais
Nous pleurâmes C'était quand nous venions de naître le soir
Et les yeux secs j'attends si Thanatos m'aimait
Puisque
tu veux nier la douleur positive
Adapte un masque hilare et drape l'oripeau
Va l'histrion tire la langue aux attentives
J'attends que passe Thanatos et son troupeau
Trois
grands lys Trois grands lys sur ma tombe sans croix
Trois grands lys poudrés d'or que le vent effarouche
Arrosés seulement quand un ciel noir les douche
Majestueux et beaux comme sceptres des rois
L'un sort de ma plaie et quand un rayon le touche
Il se dresse sanglant c'est le lys des effrois
Trois grands lys Trois grands lys sur ma tombe sans croix
Trois grands lys poudrés d'or que le vent effarouche
L'autre sort de mon cur qui souffre sur la couche
Où le rongent les vers L'autre
sort de ma bouche
Sur
ma tombe écartée ils se dressent tous trois
Tout seuls tout seuls et maudits comme moi je crois
Trois grands lys Trois grands lys sur ma tombe sans croix
Je
suis la rose
Fraîche et mi-close
Je me marie
Je suis flétrie
Je suis un lys
Vienne mon fils
La blanche fleur
Penche et se meurt
Plantez
un romarin
Et dansez sur la tombe
Car la morte est bien morte
C'est tard et la nuit tombe
Dors bien dors bien
C'est tard et la nuit tombe
Dansons dansons en rond
La morte a clos ses yeux
Que les dévôts prient Dieu
Dors bien dors bien
Que les dévôts prient Dieu
Cherchons-leur des prie-Dieu
La mort a fait sa ronde
Pour nous plus tard demain
Dors bien dors bien
Pour nous plus tard demain
Plantons un romarin
Et dansons sur la tombe
La mort n'en dira rien
Dors bien dors bien
La mort n'en dira rien
Priez les dévôts mornes
Nous dansons sur la tombe
La mort n'en saura rien
Dors bien dors bien
Venez
venez fillettes
Faut pas rester sur terre
Vaut mieux vaut mieux mourir
Et dardant un rayon
Tandis qu'elles trois courent
Après un papillon
Il enflamme els filles
les trois fillettes brunes
Soleil Faut-il mourir
On vit trois étincelles
Et puis plus rien le rêve
Le rêve et le soleil
Les statues endormies qui rêvent toutes blanches
Les
statues endormies qui rêvent toutes blanches
Dont la soif de mourir jamais ne s'étanche
Les statues blêmies
Des amours souriants et gelés
Sous la neige qui tombe
Songent aux tombes
D'amours morts
Enterrés sur un lit de roses et de verveines
En quelque Cythère lointaine
Il somnole en leur marbre un vague souvenir
D'Hellas endormie
Sous la Séléné d'or
Ô mon âme
Que jamais ne t'étreigne
Le froid des Paros
Sous les soleils d'avril
Les guêpes et les mouches
Ont trompetté leur haine
J'ai la tristesse d'être à la merci d'instincts
Les vers visqueux me guettent
Avec le froid des pluies
Sous terre mon cadavre verdi
Sera ma vie lointaine
Et rien
Un corps décomposé
Fleurissant en fleurs tôt fanées
Fleurs des fiancés
Des trépassés
C'est le destin des hommes
Des hommes qu'on oublie
Guillaume
Oui
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Maj 27/01/2005