La chanson des vieux amants ( Jacques Brel )

Bien sûr, nous eûmes des orages,

Vingt ans d'amour, c'est l'amour fol,

Mille fois, tu pris ton bagage,

Mille fois, je pris mon envol,

Et chaque meuble se souvient,

Dans cette chambre sans berceau,

Des éclats de vieilles tempêtes,

Plus rien ne ressemblait à rien,

Tu avais perdu le goût de l'eau,

Et moi, celui d ela conquête

 

Mon amour, mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour,

De l'aube claire jusqu'à la fin du jour,

Je t'aime encore, tu sais,

Je t'aime

 

Moi, je sais tous tes sortilèges,

Tu sais tous mes envoûtements,

Tu m'as gardé de piège en piège,

Je t'ai perdue de temps en temps,

Il faut bien que le corps exulte

Finalement, finalement,

Il nous fallut bien du talent,

pour être vieux sans être adultes

 

Mon amour, mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour,

De l'aube claire jusqu'à la fin du jour,

Je t'aime encore, tu sais,

Je t'aime

 

Et plus le temps nous fait cortège,

Et plus le temps nous fait tourment,

Mais n'est-ce pas le pire piège,

De vivre en paix pour des amants;

Bien sûr, tu pleures un peu moins tôt,

Je me déchire un peu plus tard,

Nous protégeons moins nos mystères,

On laisse moins faire le hasard,

On se méfie du fil de l'eau,

Mais c'est toujours la tendre guerre

 

Mon amour, mon doux, mon tendre, mon merveilleux amour,

De l'aube claire jusqu'à la fin du jour,

Je t'aime encore, tu sais,

Je t'aime

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Les vieux ( Jacques Brel )

Les vieux ne parlent plus,

Ou alors seulement, parfois,

Du bout des yeux,

Même riches, ils sont pauvres,

Ils n'ont plus d'illusion

Et n'ont qu'un coeur pour deux,

Chez eux, ça sent le thym,

Le propre, la lavande,

Et le verbe d'antan,

Que l'on vive à Paris,

On vit tous en province

Quand on vit trop longtemps,

Est-ce d'avoir trop ri,

Que leurs voix se lézardent,

Quand ils parlent d'hier

Et d'avoir trop pleuré,

Que des larmes encore

Leur perlent aux paupières ?

Et s'ils tremblent un peu,

Est-ce de voir vieillir la pendule d'argent,

Qui ronronne au salon

Qui dit oui, qui dit non

Qui dit je vous attends ?

 

Les vieux ne rêvent plus,

Leurs livres sans sommeil,

Leurs pianos sont fermés,

Le petit chat est mort,

Le muscat du dimanche

Ne les fait plus chanter

Les vieux ne bougent plus,

Leurs gestes ont trop de rides,

Leur monde est trop petit,

Du lit à la fenêtre,

Puis, du lit au fauteuil,

Et puis, du lit au lit,

Et s'ils sortent encore,

Bras dessus, bras dessous,

Tout habilés de raide,

C'est pour suivre au soleil

L'enterrement d'un plus vieux,

L'enterrement d'une plus laide,

Et le temps d'un sanglot,

Oublier toute une heure

La pendule d'argent,

Qui ronronne au salon,

Qui dit oui, qui dit non,

Et puis, qui les attend

 

Les vieux ne meurent pas,

Ils s'endorment un jour,

Et dorment trop longtemps,

Ils se tiennent la main,

Ils ont peur de se perdre,

Et se perdent pourtant,

Et l'autre reste là,

Le meilleur ou le pire,

Le doux ou le sévère,

Cela n'importe pas,

Celui des deux qui reste

Se retrouve en enfer,

Vous le verrez peut-être,

Vous la verrez parfois,

En pluie et en chagrin,

Traverser le présent,

En s'excusant déjà

De n'être pas plus loin,

Et fuir devant vous

Une dernière fois,

La pendule d'argent,

Qui ronronne au salon,

Qui dit oui, qui dit non,

Qui leur dit je t'attends

 

Qui ronronne au salon,

Qui dit oui, qui dit non,

Et puis, qui nous attend

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Ne me quitte pas ( Jacques Brel )

Ne me quitte pas,

Il faut oublier,

Tout peut s'oublier,

Qui s'enfuit déjà,

Oublier le temps

Des malentendus,

Et le temps perdu,

A savoir comment,

Oublier ces heures,

Qui tuaient parfois,

A coups de pourquoi

Le coeur du bonheur,

Ne me quitte pas,

Ne me quitte pas,

Ne me quitte pas,

Ne me quitte pas,

 

Moi, je t'offrirai

Des perles de pluie,

Venues de pays

Où il ne pleut pas

Je creuserai la terre

Jusqu'après ma mort,

Pour couvrir ton corps

D'or et de lumière,

Je ferai un domaine,

Où l'amour sera roi,

Où l'amour sera loi,

Où tu seras reine

Ne me quitte pas,

Ne me quitte pas,

Ne me quitte pas,

Ne me quitte pas,

 

Ne me quitte pas,

Je t'inventerai

Des mots insensés

Que tu comprendras

Je te parlerai

De ces amants-là

Qui ont vu deux fois

Leurs coeurs s'embraser

Je te raconterai

L'histoire de ce roi

Mort de n'avoir pas

Pu te rencontrer

Ne me quitte pas,

Ne me quitte pas,

Ne me quitte pas,

Ne me quitte pas,

 

On a vu souvent,

Rejaillir le feu

De l'ancien volcan

Qu'on croyait trop vieux,

Il est, paraît-il,

Des terres brûlées

Donnant plus de blé

Qu'un meilleur avril,

Et, quand vient le soir,

Pour qu'un ciel flamboie,

Le rouge et le noir,

Ne s'épousent-ils pas ?

Ne me quitte pas,

Ne me quitte pas,

Ne me quitte pas,

Ne me quitte pas,

 

Ne me quitte pas,

Je ne vais plus pleurer,

Je ne vais plus parler,

Je me cacherai là

A te regarder

Danser et sourire,

Et à t'écouter

Chanter et puis rire,

Laisse-moi devenir

L'ombre de ton ombre,

L'ombre de ta main,

L'ombre de ton chien,

Ne me quitte pas,

Ne me quitte pas,

Ne me quitte pas,

Ne me quitte pas,

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Orly ( Jacques Brel )

Ils sont plus de deux mille, et je ne vois qu'eux deux,

La pluie les a soudés, semble-t-il, l'un à l'autre,

Ils sont plus de deux mille, et je ne vois qu'eux deux,

Et je les sais qui parlent,

Il doit lui dire " je t'aime ", Elle doit lui dire " je t'aime ",

Je crois qu'ils sont en train de ne rien se promettre,

Ces deux-là sont trop maigres pour être malhonnêtes,

Ils sont plus de deux mille, et je ne vois qu'eux deux.

Et brusquement il pleure, il pleure à gros bouillon,

Tout entourés qu'ils sont d'adipeux en sueur

Et de bouffeurs d'espoir qui les montrent du nez,

Mais ces deux déchirés, superbes de chagrin,

Abandonnent aux chiens l'exploit de les juger

La vie ne fait pas de cadeau

Et nom de Dieu, c'est triste, Orly, le dimanche,

Avec ou sans Bécaud

 

Et maintenant ils pleurent, je veux dire tous les deux,

Tout à l'heure c'était lui, lorsque je disais " il ",

Tout encastrés qu'ils sont, ils n'entendent plus rien

Que les sanglots de l'autre,

Et puis,

Et puis, infiniment,

Comme deux corps qui prient,

Infiniment lentement,

Ces deux corps se séparent,

Et en séparant,

Ces deux corps se déchirent,

Et je vous jure qu'ils crient,

Et puis ils se reprennent,

Redeviennent un seul, redeviennent le feu,

Et puis se redéchirent,

Se tiennent par les yeux,

Et puis, en reculant,

Comme la mer se retire,

Ils consomment l'adieu,

Ils bavent quelques mots,

Agitent une vague main,

Et brusquement il fuit, il fuit sans se retourner,

Et puis il disparaît, bouffé par l'escalier

La vie ne fait pas de cadeau

Et nom de Dieu, c'est triste, Orly, le dimanche,

Avec ou sans Bécaud

 

Et puis il disparaît, bouffé par l'escalier

Et elle,

Elle reste là,

Coeur en croix, bouche ouverte,

Sans un cri, sans un mot,

Elle connaît sa mort,

Elle vient de la croiser,

Voilà qu'elle se retourne,

Et se retourne encore,

Ses bras vont jusqu'à terre,

Ca y est,

Elle a mille ans,

La porte est refermée,

La voilà sans lumière,

Elle tourne sur elle-même,

Et déjà elle sait

Qu'elle tournera toujours,

Elle a perdu des hommes,

Et là, elle perd l'amour,

L'amour lui a dit

Revoilà l'inutile,

Elle vivra de projets

Qui ne feront qu'attendre,

La revoilà fragile

Avant que d'être à vendre,

Je suis là,

Je la suis,

Je n'ose rien pour elle

Que la foule grignote

Comme un quelconque fruit

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Maj 11/06/2004