A CELLE QUE JE NE VERRAI PLUS ( Jacques BERTIN )

Et de très loin, je vous souhaite

Une maison sans rideau,

Un angelus de dentelle

A la robe de vos amours,

La rivière, comme une traîne,

Comme dans ses jardins la Seine,

Restez comme vous étiez

 

Puis, les genêts couchés du soleil,

Où dévalent des routes bleues,

Et sur vos yeux cette chaleur,

 

Je vous offre ceci, qu'importe

Si je ne vous revois jamais,

Pensez à moi dans chaque chose

 

Un ami pour la rime riche,

Dans le feu d'herbes de l'été,

Un enfant pour la rime ouverte,

Restez comme vous étiez

 

Votre amour dans ses bras vous prennent,

Et votre vie, il la retienne,

Comme au vent un chapeau de papier

 

Moi, dans mes amours je vous emporte,

Coome une photo qu'on regarde ,

Quand on est seul dans les cafés,

Rappellez-vous, je me rappelle

Quand vous étiez sous le toit d'ombre,

La rue ouverte de l'été

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DURE A PASSER ( Jacques BERTIN )

Tu as traîné toute la nuit dans les bistrots du centre,

Tu rentres chez toi, tu prends un papier, un crayon,

Mais rien ne vient parce qu'il n'y a rien à dire, au fond,

Tu prends un bain, puis tu prépares ton suicide,

Quelquefois, la nuit est bien plus courte qu'on imagine,

La mort vient vite, et c'est trop tard, le jour est là,

Dans l'arbre, toujours le même, volià déjà le rossignol,

Jour qui vient à poignarder, tu es livide,

Je sens, je sens tous ceux qui, cette nuit, sont seuls,

Qui vont passer la nuit, tenant la main courante,

A regarder le gouffre, à y sombrer,

Je sens la mort qui jaillit du miroir éclaté

Il faut descendre dans la rue, il faut peupler la nuit,

Il faut prendre la mort au licol et l'amener boire

Ensemble, dans une aurore lumineuse, des gouttes de rosée,

Que seront les mots innombrables, par nous, au sol, déposés

 

Ô mon âme, quand je serai sur l'autre versant de la nuit,

Je serai dans le sel de tes larmes, à toi seul,

Ce soir, la mort pose son muffle chaud sur mon épaule,

Comme une bonne compagne pas trop dérangeante, pour le moment

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LOUVIGNE-DU-DESERT ( Jacques BERTIN )

Louvigné-du-désert, arrêtons-nous, nous irons boire

Dans un petit café ouvert aux premiers froids de ma mémoire,

Aux amis évanouis, déjà perdus parmi les ombres,

A ceux que j'aimais tant, je crois, et que j'ai oubliés

 

J'inviterai quelques poètes pour faire un bel enterrement,

Quelques octosyllabes, et je suis seul pour arroser l'évènement,

Nous nous raconterons l'histoire, en parlant un peu lentement,

Du temps qui s'en va, de l'oubli, qui, devant nous, fait la musique,

Et puis nous nous contenterons de peu de chose, un peu de vin,

Un mot qui frôle l'herbe du soleil, et c'est en vain,

Je n'ai d'amis que les poètes,et je m'en reviendrai chez moi par les chemins,

Comme une cigarette éteinte, rallumée, et qui s'éteint

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SI JE MEURS ( Jacques BERTIN )

La chanson de Tessa (Valérie Lagrange)

( texte Jean Giraudoux musique Maurice Jaubert )

Reste ici bas

Mon cœur fidèle

Si tu t’en vas

La vie est ma peine

Eternelle

Si tu meurs,

Les oiseaux se tairont pour toujours,

Si tu es froide,

Aucun soleil ne brûlera,

Au matin la joie de l’aurore

Ne lavera plus mes yeux

Tout autour de ta tombe,

Les rosiers épanouis

Laisseront pendre et flétrir leurs pleurs

La beauté

Mourra

Avec toi,

Mon seul amour

Si je meurs,

Les oiseaux ne se tairont qu’un soir

Si je meurs,

Pour un autre, un jour, tu m’oublieras

De nouveau, la joie de vivre

Alors, lavera ton regard

Au matin tu verras

La montagne illuminée

Sur ma tombe,

Ouvrir mille fleurs

La beauté revivra sans moi

Mon seul amour

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VOILA C'EST CETTE NUIT ( Jacques BERTIN )

Voilà, c'est cette nuit,

Tu as été renversé par une voiture,

Place des Gobelins, tu perds ton sang devant quatre ou cinq noctambules,

Tu constates que les agents sont lents,

Et que tu n'as pas peur,

Aujourd'hui, mardi, ta mère repasse le linge,

Elle est sans nouvelle de toi,

Tu n'auras pas écrit grand chose en dix ans,

Quelques vers peu habiles,

A part dans l'insolence et l'amitié, tu n'avais pas tellement de talent,

Tu as vécu, tu as paré au plus pressé,

Tu as perdu ton temps

 

J'ai perdu mon temps et ma vie à tenter d'être libre,

J'ai vécu heureux à me battre entre les silences et les mots difficiles,

L'ambulance, je la reconnais, elle ressemble à mon lit d'enfant,

Mon frère aîné est près de moi, il me joue de l'harmonica,

Je vais mourir, alors que j'aime, à l'heure où j'aimais vivre,

La nuit, je veillais sur vous, mes amis connus et inconnus,

Je pénétrais entre vos cils fermés dans la chaleur des barques,

Ou dans vos rêves qui sont à tous les mêmes, mais parlent de justice,

C'est une belle heure pour mourir, et c'est un bel endroit,

L'aube vient comme un ventre de femme dans sa folie de feuilles,

J'ai passé ma vie à me préparer pour cet instant-là,

Frère cadet de tous les hommes libres

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Maj 23/07/2003