Steinunn SIGURDARDOTTIR : Le voleur de vie ( Editions Flammarion 1995 )

Ne pas M’ACCUSER MOI-MÊME, comme le font les parents et amis de ceux qui se suicident. Cela n’est pas ma faute.

J’aimerais bien pouvoir en vouloir à Steindor, penser qu’il a fait cela pour SE VENGER DE MOI. Malheureusement, je sais que ce n’est pas le cas. C’est la mer qui l’a attiré dans sa nuit d’encre. Il n’a même pas pensé à moi. Il n’a pensé à rien. Il a simplement continué d’avancer, le vent dans le dos, jusqu’à ce que les vagues l ‘emportent.

L’absurdité de ce qui vient de se passer  nous fait oublier l’essentiel : un homme dans la fleur de l’âge vient de disparaître délibérément, en laissant une femme et trois jeunes enfants. Les fadaises du pasteur sont si puériles qu’il y a de quoi pouffer de rire. Mais je suis également furieuse parce que Steindor était un homme d’honneur qui aurait mérité une véritable oraison funèbre et non pas ces clichés sur la mort salvatrice. Pourquoi ne dit-il pas la vérité ? Que la mort de Steindor était le fait d’un hasard incompréhensible, un scandale impardonnable ?

Que Dieu me garde de mourir si le prix à payer est cette sorte de punition à la fin du voyage. A moins que tout cela ne soit astucieusement conçu  pour que les gens ne se sentent pas trop endeuillés, fatigués et affligés par toutes ces absurdités qu’on leur donne à entendre.

Le banquet funéraire de l’amour

Je traverse à pied le pays des cercueils.
Puis-je t’offrir un cercueil blanc ?
Un grand cercueil, dans lequel on pourra placer deux cœeurs excisés.

Chantons pour la dépouille du cœeur. Tendrement, comme la fleur qui pousse
Au bord cette tombe.

Le corps reste. Le corps n’est pas libre.

Espérons que les blessures de nos deux poitrines se refermeront.
Il n’y aura plus de cœeur, mais un trou béant.

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Maj 14/04/2004