Jacques Santi : Le petit bonhomme en noir ( Ed. Denoël -1988 )

La chambre ressemblait à un musée tant il y avait d'objets disposés sur les murs et sur les meubles. Des robes étaient rangées sur le lit. Des colliers, des bagues, une montre jonchaient la table de nuit. Au milieu se dressait la photo d'une femme. Elle embrassait la chambre de son sourire timide. Sur la cheminée, une autre photo, beaucoup plus grande, dans un cadre de bois sculpté, dominait la pièce. Larquillère et sa femme semblaient gonflés de bonheur dans leur tenue de noces. Cette femme-là, sa femme, ne l'avait jamais quitté. Elle était morte dans ce lit. Pour lui, elle continuait à y vivre. Un à un, j'ouvris tous les tiroirs et finis par trouver ce qu'inconsciemment je devais chercher. Deux paquets de lettres serrés par des élastiques. La première que je lus était certainement la dernière qu'elle lui avait envoyée avant de mourir. Elle lui demandait pardon de l'avoir fait tant souffrir.

Maintenant quelle femme aidait-il à descendre de voiture ? Louise ou tout simplement une femme sans nom, sans visage et sans âme ? Une femme égarée dans le temps, elle aussi perdue dans ses amours passées. Que cherchaient-elles, ces deux épaves voguant sur un chemin de gravier ? Vers quel port lointain, onirique, allaient se fracasser ces deux vaisseaux fantômes qui ne s'étaient abordés et amarrés que pour couler ensemble ? Moi seul les voyais en détresse ; mais je savais leurs masses trop importantes, leurs coques trop déchirées pour essayer d'entreprendre je ne sais quel sauvetage désespéré. J'ai manqué d'amour. Cela je ne l'ai su que beaucoup plus tard. Mais aurais-je vraiment pu les empêcher de sombrer ?

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Maj 29/06/2004