Daniel Pennac : Monsieur Malaussène au théâtre ( Ed. Gallimard -1996 )

Il y a ceux que le malheur effondre. Il y a ceux qui en deviennent tout rêveurs.Il y a ceux qui parlent de tout et de rien, pas même du mort, des petits propos domestiques, il y a ceux qui se suicideront après et ça ne se voit pas sur leur visage, il y a ceux qui pleurent beaucoup et cicatrisent vite et il y a ceux qui se noient dans les larmes qu'ils versent. Il y a ceux qui sont contents, débarrassés de quelqu'un, il y a ceux qui ne peuvent plus voir le mort, ils essaient mais ils ne peuvent pas, le mort a emporté son image, il y a ceux qui voient le mort partout, ils voudraient l'effacer, ils vendent ses nippes, brûlent ses photos, déménagent, rebelotent avec un vivant, rien à faire, le mort est toujours là, dans le rétroviseur. Il y a ceux qui pique-niquent au cimetière et ceux qui le contournent parce qu'ils ont une tombe creusée dans la tête. Il y a ceux qui ne mangent plus, il y a ceux qui boivent, il y a ceux qui se demandent si leur chagrin est authentique ou fabriqué. Il y a ceux qui se tuent au travail et ceux qui prennent enfin des vacances. Il y a ceux qui trouvent la mort scandaleuse et ceux qui la trouvent naturelle, avec un âge pour, des circonstances qui font que... c'est la guerre, c'est la maladie, c'est la moto, c'est la bagnole, c'est l'époque, le destin, la vie.
Il y a ceux qui trouvent que la mort c'est la vie.
Il ya ceux qui font n'importe quoi.
Qui se mettent à courir.
Par exemple.

J'ai sangloté dans les bras de Julie,
et Julie s'y est mise à son tour,
on s'est vidés
jusqu'à cette sorte dévanouissemnt qu'on appelle le sommeil,
ce répit,
dont on se réveille avec un enfant perdu, un ami en moins, une guerre en plus,
et tout le reste de la route à faire malgré tout,
cazr ilparaît que nous aussi nous sommes des raisons de vivre,
qu'il ne faut pas ajouter le départ au départ,
que le suicide est fatal au cœur des survivants,
qu'il faut s'accrocher,
s'accrocher quand même,
s'accrocher avec les ongles,
s'accrocher avec les dents,...

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Maj 30/05/2004