Danielle , de formation littéraire, aimait écrire. Ses lettres à ses amies, ne se résumaient jamais à deux phrases de convenance, mais témoignaient de son souci sincère de partager ses émotions, ses coups de cur, pour tout ce qui en un peu plus de vingt ans nous a nourri ensemble : films de cinéma, pièces de théâtre, concerts, expositions, voyages, -, mais aussi, et, surtout, pour les livres dont elle est parvenue, à force dobstination, à faire son métier. Plus rarement ses doutes et ses difficultés, dont elle gardait le poids pour elle.
La lecture, goût héritée de lenfance pour à la fois, je crois, échapper au poids dune réalité quotidienne qui la profondément marquée, et essayer dy trouver des réponses à ses doutes profonds.
En 1990, profitant dune opportunité professionnelle, la préparation du certificat daptitude aux fonctions de bibliothécaire lui a ouvert les portes de la littérature jeunesse et du conte pour enfants mais aussi pour adultes. Elle était particulièrement attirée, à la suite de Yannick Jaulin, par lintroduction dans le conte traditionnel déléments contemporains.
En décembre 1990, elle se lance et participe à un stage dinitiation au conte animée par Agnès Chavanon.
Par ailleurs, de notre premier voyage en Asie, peu de temps auparavant, elle avait, notamment, été marquée par la sérénité, au moins apparente, du bouddhisme thaïlandais : " dont worry, be happy "
Ces différents éléments personnels, Danielle les a intégré dans un premier texte, en forme de conte, quelle a couché sur le papier, fin 1990 :
Danielle Robreau : conte inventé
Cest une histoire qui mest arrivée lan dernier.
Je partais en vacances. Javais eu du mal à boucler mon sac à dos, jétais en retard et javais peur de rater mon train. Comble de malchance, vous savez ces jours où tout va décidément mal, après avoir dévalé lescalier, langoisse : " qu est ce que jai fait de mon billet de train ? Je ne me rappelle pas lavoir mis dans mon sac ! " Et me voilà bonne pour redéfaire le dit sac et finalement en extraire mon billet.
Pour gagner du temps, je décide de traverser le jardin municipal. Au milieu, jentends un bruit drôle, lequel, plus je mapproche du chêne séculaire, ressemble de plus en plus à une plainte. Et je découvre un chien, un vieux chien, haletant, visiblement mort de soif. Oui, jai une gourde pleine deau et puis un bol aussi mais au fond d e ce fichu sac, et puis, surtout, un train à prendre.. Mais bon, je redéfais le sac, donne à boire au vieux chien qui sen trouve ragaillardi à tel point que non seulement il memboîte le pas, mais il se pousse dans mes pattes, si jose dire, et me pousse dans une direction qui nest pas du tout la mienne. On dirait quil est guidé par le chant quon entend au loin, un chant comme je nen ai jamais entendu. Et nous voilà, mon rescapé et moi aux marches dun temple. On dirait cest un temple asiatique. Le chien ne me laisse pas le choix : il me pousse à en gravir les marches. Et me voilà, mon horaire de train gravé dans la tête, en pleine cérémonie bouddhiste. Car cest bien un temple asiatique et cest bien un tout jeune bonze qui se lève et maccueille avec ce sourire que seuls les asiatiques peuvent avoir .Et il se met à me parler de sa religion. Bien sûr que cest intéressant, mais, mon train ! Et je linterromps brutalement quand il attaque le chapitre de la charité, de lamour dautrui : " non, écoutez, lamour dautrui, il y a beau temps que je ny crois plus. Je suis ici tout à fait par hasard, à cause dun chien dailleurs, où il est passé celui-là ? (Cest vrai, il nétait plus là ) et pour tout vous dire, charité bien ordonnée commençant par soi-même, tout ce qui mimporte en ce moment, cest davoir mon train et mes vacances. Alors, lamour du prochain "
Et le moine, avec son sourire indéfinissable : " Pourtant, tu mas bien donné de leau tout à lheure "
Et, le lendemain soir, jatterrissais à Bangkok, Thaïlande.
Et, je crois bien, que des mois après, jy suis toujours .
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Parallèlement, sur une trame traditionnelle, dans un deuxième conte, inachevé, elle commence à donner libre cours à sa fantaisie de style, trop souvent auto-réprimée :
Danielle ROBREAU : Laraignée qui a des dettes
Cest lhistoire dune araignée qui a des dettes.
Elle part sur le chemin et rencontre la souris :
Laraignée poursuit sa route. Elle rencontre le chat :
Plus loin, laraignée trouve le chien :
Poursuivant son chemin, laraignée rencontre le léopard :
Laraignée marche et, tout à coup, tout à coup, elle voit elle voit le roi des animaux lui-même : le lion !
Et laraignée rentre chez elle.
La nuit passe, la matinée passe. Et, sur le coup de midi, on frappe à la porte
Elle fait entrer la souris, lui fait la conversation, quand tout à coup, on entend frapper
La souris grelotte de peur
La suite manque mais elle est facile à deviner: laraignée profite des peurs respectives de chacun des animaux pour tisser sa toile (et sa pelote) et empocher le prix de sa protection.
Danielle voulait lui donner un style beaucoup plus libre (salut, la souris, tas pas 100 balles ?) mais a préféré écrire une version plus " soft ", passant mieux auprès du public.
Ce goût pour ces histoires qui, sous lapparence simple et facile daccès du conte, entretiennent une flamme de sagesse populaire, au profit des plus faibles (le chien, laraignée dans ses textes) la conduit à recopier des textes qui lont manifestement marquée :
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Le conteur (tiré de la tradition juive " Larbre aux Trésors " Henri GOUGAUD) :
Il était une fois un homme qui se nommait Yacoub. Il vivait pauvre, mais sans soucis, heureux de tout, libre comme un saltimbanque, rêvant sans cesse plus haut que son front. En réalité, il était amoureux du monde. Or, le monde alentour lui paraissait morne, sec, brutal de coeur. Et Yacoub se demandait, en parcourant les rues de Prague, sa ville :" Comment la changer ? Comment amener ces malheureux qui se croisent sans se saluer ni même se regarder, à être attentifs les uns aux autres ? "
Un jour quil traversait une place ensoleillée, il lui vint une idée : " Et si je leur racontais des histoires ? Ainsi, moi qui connaît la beauté du monde et la saveur de la vie, je pourrais les amener à plus damour. " il grimpa sur un banc et se mit à clamer les plus belles histoires de son cur. Des femmes, des enfants, des vieillards sarrêtèrent pour lécouter, puis se détournèrent pour continuer leur chemin.
Le lendemain, Yacoub revint sur cette même place pour conter. Des passants, mais en nombre moins important que la veille sarrêtèrent. Certains rirent, quelquun le traita même de fou.
Estimant quil ne pouvait changer le monde en un jour, Yacoub ne se découragea pas et continua, jour après jour, à lancer au ciel les plus belles histoires de son cur. Bientôt, il ne parla plus que pour le vent et les nuages. Du plus loin quils entendaient sa voix dans le vent, les passants se détournaient pour léviter.
Un soir quil contait une histoire merveilleuse dans le brouillard, Yacoub ferma les yeux et sen trouva tellement bien quil décida désormais de ne plus conter quainsi : les yeux fermés.
Un jour dhiver, il sentit quon le tirait par la manche. Il ouvrit les yeux et vit un enfant.
Fermant les yeux, il ajouta :
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Extraits des manuels scolaires autrichiens
La lecture et lenfant / Bruno Bettelheim et Karen Zelan Ed Robert Laffont (Collection réponses) 1981
" Le rêve de Toni "
Toni traverse le jardin en courant
En suivant lallée
Et il passe dans la prairie.
Toni court, très vite.
Pourtant, il y a de la glace.
Des glaçons pendent des maisons,
Des arbres,
Des buissons.
Un épais manteau de glace
A recouvert le grand étang.
Comme la glace brille !
Des enfants patinent sur la glace.
Toni, lui aussi, se lance sur ses patins, loin, très loin !
Il patine plus vite que tous les autres.
Et voilà la glace se fend elle craque !
Au secours ! au secours !
Toni senfonce de plus en plus profondément.
Papa ! Maman !
A ce moment-là, Toni se réveille.
Sa mère est là,
Tout près de son lit.
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Es-tu fâché, petit frère ?
Ecoute-moi, je vais me conduire autrement !
Je ne te taquinerai plus,
Je ne te pincerai plus, je ne tirerai plus les cheveux,
Puisque ça te fait très mal !
Soyons de nouveau amis, petit frère !
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Susi dit à sa mère : " Donne-moi du pain ! "
La mère ne répond pas.
" Je veux du pain ! " dit Susi.
Mais, au lieu de donner du pain, la mère raconte une histoire.
Il y avait une fois un jardin enchanté.
Il était merveilleusement beau !
Cest pourquoi tout le monde voulait y entrer.
Mais la porte était solidement close.
Dabord, les gens ont voulu franchir le mur.
Mais cétait impossible. Le mur était trop haut.
Puis, ils ont voulu démolir la porte.
Mais, leur hache sétait brisée.
Et, quand ils ont essayé de brûler la porte,
Le feu sest éteint.
Alors, arriva un enfant
Qui dit simplement une petite phrase : " Sil te plaît ."
La porte souvrit toute seule
Et lenfant entra en courant dans le jardin.
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La venue de Corbeau (légende indienne)
" Les plus belles légendes des Indiens Peaux-Rouges " Ed Fernand Nathan
En Alaska, on raconte que le Grand Corbeau avait créé le monde et tout ce qui existe
A lorigine, il ny avait rien, ni lumière, ni plantes, ni animaux, ni Inuit.. Tout nétait que ténèbres. Mais, au cur de ces ténèbres, déjà, il y avait Corbeau. Il était tout petit et faible, et ses pouvoirs surnaturels navaient pas atteint leur pleine maturité. En fait, il ignorait quil était doué de dons exceptionnels. Recroquevillé sur le sol, dans lobscurité, il écoutait. Il ny avait aucun son, rien.
Il tâtonna autour de lui. Le sol était dur et sec. Mais, à mesure quil progressait, derrière lui, les êtres et les choses séveillaient à la vie. Lherbe se mit à croître, les arbres sortirent de terre. Leau ruissela dentre les fentes et les ruisseaux grossirent et devinrent rivières. Collines et montagnes poussèrent leur tête hors du sol. Lorsque Corbeau fut revenu à son point de départ, il fut stupéfait de trouver une forêt et son épais sous-bois dherbes, de fougères et de buissons trapus.
Encouragé par ces débuts, il voulut explorer plus avant , mais, bientôt, il sarrêta et recula en tremblant. Il ny avait plus de sol. Devant lui souvrait le vide en un abîme béant !
Réfugié sous un arbre, il chercha à comprendre.
Qui était-il ? Qui faisait naître les choses ? Quy avait-il au fond de cet abîme ? Brûlant de curiosité, il résolut déclaircir ces mystères.
Il se pencha au bord du gouffre, déploya ses ailes et les sentit devenir fortes, puissantes. Dun coup, tout fut clair. Il sut qui il était. Il était Tuhugantuk, Corbeau le Père, créateur de toute vie. Avec un croassement de triomphe, il étendit les ailes et plongea en douceur dans labîme.
Tout au fond, il découvrit une autre contrée, si récente que la croûte en commençait à peine à durcir. Corbeau la nomma " Terre " et " Ciel ", la contrée quil avait laissée là-haut. La Terre était stérile et déserte, comme la contrée du Ciel lavait été ; mais, par sa seule présence, Corbeau lamena à la vie, et, bientôt, elle aussi, se couvrit darbres, dherbes, de plantes et de fleuves.
Cependant, lobscurité continuait à envelopper toute chose.
Soudain, une fine pointe de lumière accrocha son regard. Corbeau se pencha et aperçut un éclat de mica à moitié enfoui dans le sol. Comme il grattait la terre pour dégager ce fragment, la lumière grandit et se mit à briller de plus en plus fort. Tout en se protégeant les yeux de léblouissement, Corbeau leva le mica très haut vers le ciel et, en un instant, le monde resplendit des rayons du soleil.
Alors, Corbeau le Père put voir ce quil avait créé. Cétait un temps merveilleux de hautes montagnes coiffées de neige, de forêts et de pentes boisées, de plaines et de vallées herbeuses, arrosées de rivières, de lacs, de ruisseaux, tous brillant et luisant dans la pure lumière.
Corbeau visita ces jeunes terres, inspectant son uvre avec fierté. Sur le rivage, il vit une vigne géante de pois maritime. Aussi haute quun bouleau et ses rameaux lourds de gousses vert pâle, elle dépassait toutes les plantes.
Soudain, avec un bruit sec, une cosse éclata. De lenveloppe, tomba un homme ! Corbeau fit un bond en arrière, tout interdit par cette apparition inattendue. Le prmier Inuit sassit par terre et frotta ses yeux éblouis de soleil.
" Eh bien ! sécria le Grand Corbeau. Je naurais jamais imaginé, quand jai créé ce pois maritime, quil en sortirait une chose pareille ! "
Il tourna autour de la créature, lexamina soigneusement. Quand tous les deux furent revenus de leur surprise, Corbeau montra son uvre à lHomme, qui en fut fortement impressionné.
" As-tu faim ?demanda Corbeau. Ces baies sont bonnes à manger. Goûte. "
LHomme mangea ce que Corbeau lui offrait et s e sentit mieux, quoique pas complètement rassasié. Corbeau vit quil fallait trouver quelque chose de plus nourrissant ; aussi, après réflexion, il prit un peu dargile au bord de la rivière et façonna deux petits animaux quil dota de pattes courtes et robustes et de grandes cornes en forme de croissant. Il étendit les ailes au-dessus, les releva au bout dun moment et deux grands bufs musqués sélancèrent vers la plaine.
De la même manière,
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Maj 21/04/2003